Le château

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vendredi 30 mai 2014

Chapelle Ste Croix à Fontenais.

Saint-Croix

La chapelle gothique de Ste Croix, rare monument moyenâgeux du Jura, invitait à la prière les pèlerins de Fontenais et des villages voisins.



Témoin d'une histoire locale, régionale et européenne :
- Elle fut dévastée lors de la guerre de Trente ans, alors que le village brûlait.
- Elle fut restaurée et agrandie en 1652 par les soins du Prince-Evèque.
- Les paroissiens de Fontenais et villages voisins y revinrent en pèlerinage avec leurs croix et leurs bannières.
- Elle servit d'abri aux commis du peuple révoltés (Pierre Péquignat) entre 1730 et 1740.
- Son mobilier fut brûlé lors de la Révolution et la chapelle fut vendue à un meunier puis à joseph Gigon qui la sauva de la destruction.
- La commune racheta l'édifice en 1816, et la restaura en 1898 bien avant de la revendre à la paroisse de Fontenais.








Voilà ce qu'en dit Louis Vautray dans :

Notices historiques sur les villes et les villages catholique du Jura 2 octobre 1863


Sur le territoire et dans la paroisse de Fontenais, au pied de la colline de Villars, à une demi- lieue à peine de Bressaucourt isolée des habitations, se trouve l'église de Sainte-Croix, qui est elle aussi, un but de pèlerinage très fréquenté et célèbre en Ajoie. Avec son élégant clocheton dont la flèche s'élance vers le ciel, svelte et affilée comme une pointe algue, avec les ogives de son chœur, rappelant le moyen-âge et quatre siècles de foi et de prières, avec ses deux chapelles jetées à droite et il gauche comme les bras de la croix, cette église apparaît dans la solitude du tableau comme un mystérieux reposoir qui demande le silence et l'oraison du pèlerin.
La tradition veut qu'un laboureur qui poussait la charrue sur cette terre sacrée, vit ses bœufs s'arrêter et résister aux coups qui les pressaient d'aller outre. Etonné, il cherche dans le sol la force qui fixe immobiles ses fidèles compagnons de travail. Tout-à-coup un trésor lui apparaît: c'est un grand reliquaire d'argent, portant enchâssé avec soin un morceau de la vraie croix. Enfouie là à quelque lamentable époque, cette précieuse relique attendait une pieuse main qui la rendit au culte catholique. L'étrange découverte du laboureur réveilla aussitôt la piété et la ferveur des populations d'alors. Une église fut construite, grâce à de généreux dons et la croix retrouvée d'une façon si merveilleuse y fut déposée.
Tel est le récit populaire: nous n'avons aucun document écrit qui puisse le corroborer. Ce que nous savons, c'est que l'église de Sainte-Croix était en construction en 1445. Le 25 mars de cette année, Nicolas Brisard, bourgeois de Porrentruy ordonne que ses exécuteurs testamentaires « baillent 20 fort florins d'or pour une fois pour maisonner (construire) la Ste- Croix séant au finage de Fontenay près de Porrentruy. » C'était pour l'époque une somme importante: aussi Nicolas Brisard peut-il être compté comme un des fondateurs de cette église. En 1458 (2 novembre) Jehan Ruechin, bourgeois de Porrentruy fait un don à la Sainte-Croix de Fontenais.
L'année suivante, eut lieu la consécration de cette église. Ce fut l'évêque de Sidon, suffragant de l'archevêque de Besançon qui fit la cérémonie, le 12 avril 1459. L'autel fut dédié à la Ste-Vierge et à Ste-Anne. Recueilli à la révolution avec les reliques, par Joseph Gigon de Fontenais, l'acte de cette consécration est encore conservé aujourd'hui dans le tabernacle de l'autel latéral de Sainte-Croix.
En 1485, la chapelle avait besoin de restauration, car nous trouvons à cette date, dame Alix Ruedin, femme de Henry Robert, écuyer, donnant par testament « à la chapelle de Iii Sainte-Croix en prochain de Fontenay, pour la réfection d'icelle chapelle la somme de 60 sols bâlois pour une fois. » Une date qui se trouve à la voûte du choeur, du côté de l'épure, nous atteste que les anges peints, taillés dans la clef de voûte et à l'intersection des nervures, sont de 1523. Peut-être le choeur entier fut-il refait à. cette époque.
Pendant la guerre de trente ans, (1631.-1640) l'église de Sainte-Croix fut pillée, dévastée et presque entièrement ruinée. C'est probablement à cette époque que la grande croix d'argent qui renfermait la sainte relique, fut envoyée à Besançon pour la mettre il l'abri de la rapacité des soldats. Ce qui est certain, c'est qu'au retour de la paix, la commune de Fontenais réclama en vain ce dépôt précieux. Avait-il été perdu dans ces temps calamiteux, ou l'archevêque de Besançon, comme la tradition le prétend, l'avait-il placé dans le trésor de la métropole, nous ne le savons. Quoiqu'il en soit, lors de la restauration de Sainte-Croix en 1652 le prince de Schœnau fit sculpter en relief, pro memoria, au-dessus de la fenêtre extérieure de la chapelle latérale de gauche, une croix de pierre, rappelant la forme et la grandeur du reliquaire envoyé à Besançon. Nous trouvons dans le « livre des départ et conclusions de MM. du magistrat de Porrentruy » la résolution prise par le conseil, à l'occasion de l'arrivée prochaine de l'archevêque de Besançon, de réclamer à ce prélat « la restitution de la croix de la Sainte-Croix qui est à Besançon. » L'archevêque accueillit la demande du magistrat, mais, soit qu'il n'eût plus l'objet réclamé, soit qu'il voulût le garder au trésor de Besançon, il envoya à la chapelle de Sainte-Croix un modeste reliquaire en cuivre doré, dans lequel était enchâssée une parcelle de la vraie croix: c'est ce reliquaire qui est aujourd'hui encore exposé il la vénération publique.
Plus généreux que Mgr de Grammont, le prince de Schœnau consacra en 1652 plus de 800 livres il la restauration et à l'agrandissement du pieux sanctuaire. Jusqu'alors le chœur actuel, fermé par une porte à côté de laquelle s'ouvrait une étroite fenêtre donnant jour sur l'autel de la Sainte-Croix, était toute l'église: le prince y ajouta la nef qui existe encore aujourd'hui et la chapelle latérale de gauche qu'il dédia à J'agonie de N. S. J. C.
Dès lors le pèlerinage, qui avait été abandonné pendant les guerres, retrouve toute sa célébrité d'autrefois. Les dons affluent à la chapelle. En 1660, Henry Bailly, bourgeois et bandelier de Porrentruy, lègue à. Sainte-Croix 400 livres bâloises: deux ans après, le prince Jean-Conrad de Roggenbach assure l'entretien de l'église par une fondation de 250 liv. 6 s. 6 deniers. En 1663, le Père Bernardin Muller, religieux observantin de l'ordre de St-François, donne le tiers de tous ses biens à Lorette et à la Sainte-Croix. A la fin du siècle dernier, les capitaux placés de cette chapelle montaient à la somme de -1805 liv. 13 s. 8 d.; elle avait en outre un verger situé au milieu de Fontenais, acheté en 1751 de M. de Luce. Sur les revenus annuels, on prélevait 30 liv. qui servaient, en vertu d'une permission de l'archevêque de Besançon du11 juillet 1770, il payer la maîtresse d'école. Le curé percevait 52 liv. 14 sols pour' l'acquit des fondations qui étaient très nombreuses: le contrôle épiscopal de 1784 constate 69 messes fondées à Ste-Croix, à différentes époques. Parmi les noms des fondateurs, nous trouvons les Dlles Schütz de Pfeilstat, les domestiques du château de Porrentruy, Mme Jeanne de Luce née Knollenberg, Jean-Germain Beuret, directeur des forges d'Undervelier et Marie-Thérèse Billieux, sa femme, qui fondent en 1745 vingt-six messes dans ce sanctuaire pour 500 liv. baloises, etc. En outre, la paroisse de Fontenais avait ses processions et ses offices fixés à Sainte-Croix, le jour de l'Annonciation, le lundi de Pâques, aux jours de l'Assomption, de la Nativité, de l'Immaculée Conception de la Sainte- Vierge. En 1788, « par résolution prise en l'assemblée de la communauté, le dimanche après l'octave de la Fête-Dieu, à cause que le jour de l'octave vers les 6 heures du soir, la grêle fit un ravage dans le ban, le plus désolant qu'on eût vu depuis longtemps » on décida qu'on irait en procession à Sainte-Croix et qu'on y chanterait l'office, aux deux fêtes de l'Invention et de l'Exaltation de Ste-Croix. 'Les paroisses voisines. Porrentruy, Bressancourt, Courtedoux, Courgenay. Alle avaient aussi leurs processions à la chapelle de Sainte-Croix: les anciens plans dressés par ordre du Prince, portent encore les sentiers par lesquels ces communes avaient accès au lien du pèlerinage. Porrentruy allait en procession à Sainte- Croix le 3 mai: en 1657, 1658, c'est le prince évêque de Bale, Jean-François de Schœnan qui chante l'office: les élèves du colIége lui font escorte à l'aller et au retour. « Le 3 mai 1759, S. A. (le prince Joseph-Guillaume de Rinck) fut à l' église de Sainte-Croix: le marguiller donna la clé à S. A. pour baiser la parcelle de la croix de N. S. qui y repose. »
Lorsqu'en 1784, le prince de Roggenbach fit la visite de Sainte-Croix, il constata qu'il y avait « au milieu de la nef un trou d'où les dévots prennent de la terre qu'ils portent sur eux. » Nous trouvons en effet dans les comptes de 1682, une dépense faite pour les gattres (barrières) du creu au milieu de l'église, On disait que c'était dans ce troll qu'avait été trouvée la relique de la vraie croix. En 1713, l'archevêque de Besançon fit fermer cette ouverture comme aussi celle qui avait été pratiquée au-dessus dans le toit de l'église. Les pèlerins n'en continuèrent pas moins à enlever cette terre qu'ils considéraient comme sacrée. Aujourd'hui tout vestige de cet usage a disparu.
La révolution de 1793 n'épargna pas l'église de Ste-Croix. Le 8 frimaire an 2 (28 novembre 1793) le sanctuaire fut pillé et dévasté: les statues du Christ agonisant, de la Sainte-Vierge et des saints furent brisées et livrées au feu. Le conseil de Fontenais, irrité de ces désordres, fit au directoire du département une plainte qui resta sans réponse. Bientôt la chapelle elle- même fut vendue comme bien national. Le 13 juin 794, les administrateurs du district de Porrentruy, Lopez et Gœtschy, commissaires nommés ad hoc, mirent en adjudication publique la ci-devant chapelle de Sainte Croix et les terres attenantes. François Brossard, meunier de la Rasse, acheta le tout pour 12,500 livres. Quelques jours après, il céda à Joseph Gigon dit Gio de Fontenais la moitié de la chapelle pour 60 livres payées comptant. Il fut en outre convenu que le consentement des deux parties serait requis pour la démolition de Ste-Croix. Grâce à cet accord, la chapelle fut sauvée. Joseph Gigon était un chrétien courageux qui reçut et logea chez lui, au péril de sa vie, les prêtres exilés et poursuivis. Au retour de la paix, la paroisse de Fontenais obtint des deux propriétaires, moyennant deux chênes livrés à François Brossard, sinon la possession, du moins l'usage de l'église de Sainte-Croix. En janvier 1804, on replaça les fenêtres; on mit au chœur l'ancien autel des annonciades de Porrentruy dont le tableau porte encore aujourd'hui les stigmates des coups de la révolution. Sur l'autel du jardin des olives, on plaça une statue de la Sainte¬Vierge « qui appartiendra, selon l'attestation du curé Guenat, à la famille de Joseph Gigon dit Gio ct de Joseph Érard ex-vœble de Fontenais. » Le maire Gœtschy, de Porrentruy, fit don de l'autel de Ste-Valburge, provenant du château de Cœuve: on le plaça dans la chapelle latérale de droite. Le curé Guenat remit à la tour une petite cloche dont il fit don à la commune de Fontenais. L'évêque de Strasbourg, Mgr Saurine, autorisa, par décret du 13 décembre 1803, l'exercice du culte dans la chapelle de Sainte-Croix, en réservant toutefois les grandes fêtes de l'année. Enfin, après des débats scandaleux où l'on vit paraître de nouveau le courage de Joseph Gigon âgé alors de plus de 80 ans (1816 3 mai), François- Vénuste Brossard consentit à suivre l'exemple de son coacquéreur et le 6 septembre 1818 il rendit la Sainte-Croix à la dévotion publique; il n'y mit d'autres conditions qu'une messe qui doit se dire pour lui à perpétuité chaque année dans cette chapelle.
Restaurée en 1849, l'église de Sainte-Croix est visitée par de nombreux pèlerins qui viennent y vénérer la relique de la Passion du Sauveur.
Sur le ban de Fontenais sont deux fermes, Fréteux, situé sur le penchant de la montagne, au-dessus de Sainte-Croix, et Calabri qui appartient aujourd'hui à l'hôpital de Porrentruy. Calabri fut acheté en 1702 par le prince évêque de Bâle, Guillaume-Jacques Rinck de Baldenstein, Le fermier d'alors était Pierre Chaignat, de Fontenais, qui mourut le 7 novembre 1754 ; il se disait àgé de 114 ans. Un journal de l'époque relate au 6 juillet I772 « que Son Altesse fut dîner à sa métairie de Calabri. Le fermier vint à Porrentruy à la cour avec son chariot y chercher l'abbé Chainois et les chevaux de trois équipages restèrent à Fréteux. » A quelque distance de Calabri, se trouve une caverne profonde dans laquelle se rendent toutes les eaux de la montagne: elles disparaissent dans ce gouffre sans qu'on en retrouve l'issue, on suppose que le puits de l'ascension, comme on appelle cet immense réservoir, sert à alimenter la source du Creugena. 

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